
Face à l’épuisement de la Movida et au reflux de la vague post punk, une nouvelle mouvance de musiques expérimentales fait son apparition en Espagne dans les années 80. Elle regroupe des créateurs ayant en commun la recherche de directions musicales alternatives au paradigme courant de la pop occidentale. Avec un intérêt affirmé pour l’électronique et les technologies d’enregistrement, ces musiciens vont œuvrer loin des sentiers battus, jetant les bases de l’expérimentation sonore du XXIe siècle. Si ces musiques participent de divers courants (électroacoustique, bruitisme, musique industrielle, collage…), cette anthologie se concentre sur l’ambient et sur ses liens avec les tonalités ethniques.

Tout au long de la décennie, des artistes espagnols s’attachèrent à la confection d’une musique ambient qui « ferait partie de l’atmosphère, de l’environnement, au même titre que la couleur de la lumière et le bruit de la pluie », comme l’écrivit l’un de ses fondateurs, Brian Eno. Née dans les années 1970, fortement connectée aux musiques minimalistes américaines, à la Kosmische Musik allemande et à la découverte des traditions musicales non-occidentales, la musique ambient est affaire de textures et de modelage des sons. Contrairement à l’écrasante majorité des musiques occidentales, il y est peu question de mélodie ou d’harmonie et elle ne requiert pas de structure narrative ni de rythme pour exister. C’est peut-être ce qui la rend si difficilement identifiable et la fait souvent passer « sous le radar ».

L’histoire espagnole de cette música discreta reste méconnue, même si de prestigieux labels se sont récemment intéressés à certaines de ses figures marquantes, telles Luis Delgado ou Suso Saiz. En règle générale, le tropisme anglo-saxon a assimilé la musique ambient de la péninsule ibérique au Balearic Sound, c’est-à-dire au style de musique relaxante joué dans les discothèques d’Ibiza, particulièrement prisées des citoyens du nord de l’Europe. Or, si l’ambient peut partager avec les productions lounge ou chill out une certaine condition d’écoute – « on doit pouvoir l’ignorer autant que s’y intéresser » selon Eno – elle les déborde largement par la diversité de ses approches et la radicalité de ses propositions.
En remontant à ses années d’émergence, LA OLA INTERIOR a pour ambition de resituer l’ambient espagnole dans le territoire fertile des musiques expérimentales et, en particulier, dans ses deux principaux viviers : l’underground des cassettes et la scène des musiciens-producteurs indépendants.

Cette nouvelle vague de musiques expérimentales est indissociable des processus d’auto-édition, de distribution et d’échanges de musique, principalement au format cassette, qui se mettent alors en place en Espagne de façon artisanale, comme un effluve de l’esprit DIY du punk. La démocratisation des instruments électroniques et des reproducteurs de cassettes va en effet permettre à un vaste mouvement underground de s’organiser en l’espace de quelques années. Dès le début de la décennie, les micro-labels se multiplient aux quatre coins du pays: EGK, Investigaciones, Estudios y Proyectos (IEP), Proceso Uvergraf ou Toracic Tapes à Madrid, Laboratorio de Música Desconocida (LMD) ou Ortega y Cassette à Barcelone, Laboratorios No à Grenade, Necronomicon à Puertollano, etc. A l’époque, il est fréquent qu’un (non)musicien dispose de son propre label, non seulement pour éditer sa musique mais également celle d’autres (non)musiciens et la faire voyager grâce aux liens tissés avec d’autres collectifs.

Hyperactive, la scène espagnole des cassettes présente plusieurs caractéristiques. Une bonne part de ses travaux sont des productions individuelles, souvent dissimulées sous l’apparence de groupes, l’œuvre de personnalités travaillant seules et avec des moyens restreints. Cette condition favorise l’inventivité et une utilisation personnelle des machines, généralement bricolées, selon des logiques de collage sonore ou de traitement du son issues de la musique concrète. L’utilisation de pseudonymes, de même que la multiplication des collaborations, y est fréquente, contribuant à l’effacement de la notion d’auteur et permettant l’exploration simultanée chez un même artiste de plusieurs voies créatives.

La philosophie de l’underground espagnol est par ailleurs radicale, opposée à la culture dominante. Cette virulence s’exprime en premier lieu dans le graphisme souvent provocateur des pochettes et des gadgets accompagnant les cassettes où se multiplient les détournements dadaïstes, les photographies de sites industriels à l’abandon, de malformations physiques ou de cadavres. Une esthétique qui doit autant au livre-objet et à l’art postal cher à Fluxus qu’à la photocopieuse et au fanzinat punk. Comme ailleurs en Europe, l’underground est fortement dominé dans la péninsule par les styles musicaux les plus durs, tels le bruitisme et la musique industrielle. Surabondante, cette production peut s’avérer répétitive, mais sa dimension exploratoire est si viscéralement affirmée que nombre d’expériences atypiques y verront également le jour.
Quoique de façon minoritaire, certains musiciens de l’underground vont donc cultiver des styles plus idiosyncrasiques et hybrides, s’éloignant de la norme “indus”. Soulignons l’influence persistante exercée sur eux par la Kosmische Musik allemande des années 70. L’expérimentation très poussée sur l’instrumentarium électronique de ce que l’on appelle alors en Espagne “l’Ecole Berlinoise” (Conrad Schnitzler, Dieter Moebius, Popol Vuh, Tangerine Dream) sert alors de référence absolue en matière de sculpture des ondes et de révélation du spectre sonore. Suivant également le chemin montré par des formations plus “krautrock”, les artistes de la scène underground ibérique vont par ailleurs s’intéresser à ce que l’on ne nomme pas encore les “musiques du monde”, s’efforçant d’en intégrer parfois l’influence à leur production.

Plusieurs projets présents sur LA OLA INTERIOR témoignent de la naissance d’une mouvance électronique basée sur la polyrythmie, la spatialisation des sons et le réemploi de sonorités orientales. C’est le cas des madrilènes d’Esplendor Geométrico pour qui un séjour prolongé dans l’enclave africaine de Melilla ouvrira une parenthèse créative faite d’impressionnantes expériences soniques, juxtaposant beats industriels et rythmiques arabes. Avec cette « Ethno-transe », qui rappelle les expériences contemporaines de Muslimgauze ou de 23 Skidoo, Esplendor Geométrico semble avoir trouvé le parfait équilibre entre violence sonore et exploration plus subtile de paysages. Autre pilier madrilène de la scène électronique expérimentale, Miguel A. Ruiz posera les bases, sous son propre nom et celui d’Orfeón Gagarin, d’une musique mystérieuse, parfois qualifiée « d’ambient industrielle tropicale », alliant boucles électroniques, percussions ethniques et drones lancinants.
Toutefois, l’hétérodoxie musicale de ces années n’est pas circonscrite à la capitale espagnole et surgit aussi dans d’autres territoires comme, par exemple, les îles Canaries. Basé à Tenerife, Mataparda (aka José Mesa) auto-produit dans les années 80 une série de cassettes extrêment inventives. Créateur atypique, dans la lignée d’un Robert Wyatt ou d’un Pascal Comelade, Mataparda excelle dans la miniature; il est ainsi capable de produire des chansons naïves aussi bien que des déflagrations bruitistes ou de subtiles micro-paysages sonores, bercés d’influences africaines ou caribéennes. Mais c’est surtout à Barcelone, qui dispose d’une tradition artistique d’avant-garde solidement implantée, que l’underground électronique va s’avérer le plus original. Artisanale et perméable aux influences européennes, la scène catalane abrite dans les années 80 de nombreux créateurs inclassables.

Producteur, musicien et agitateur culturel, Victor Nubla est sans conteste l’une des figures les plus marquantes de cette ciudad secreta, pré-olympique et expérimentale, comme l’a désignée le critique Jaime Gonzalo. Fondateur du groupe Macromassa en 1976, Nubla développe dans les années 80 une méthode consistant dans le prélèvement aléatoire de sons radiophoniques retravaillés à l’aide d’un sampleur et d’un séquenceur, qu’il baptise Método de Composición Objetiva (MCO). Le résultat de ces remixes sauvages est une musique répétitive, versatile et ténue, aux effluves tour à tour cinématiques, ethniques ou spatiaux. Autre fleuron barcelonais, Camino al desván, duo crée en 1983 par Lole Garcia et Jordi Cabayol, marie sons électroniques et instruments traditionnels au service d’une musique spectrale, dense et minimale. Dérives électroacoustiques, structures répétitives et résonnances médiévales se côtoient librement dans leur musique.

Au tournant des années 90, la généralisation des logiciels de création sonore, l’apparition du CD et l’arrivée d’Internet réduiront sensiblement l’activité de la scène espagnole des cassettes. Mais son esprit restera toujours vivant, d’une manière ou d’une autre. Soit parce que certains artistes comme Miguel A. Ruiz ou Esplendor Geométrico seront parvenus à prolonger leur activité jusqu’à aujourd’hui. Soit parce qu’une certaine forme de relève sera apparue. L’artiste barcelonaise Eli Gras peut être considérée comme une héritière directe de l’approche artisanale de l’underground, tant à travers son oeuvre personnelle – mélange d’ambient, d’avant-pop, d’improvisation et de lutherie expérimentale -, qu’à travers le travail de réédition de musiques introuvables mené par son label, La Olla Expréss.
La deuxième veine de l’ambient espagnole est à rechercher, non pas dans l’univers underground des cassettes auto-produites, mais dans les productions plus riches de certains labels indépendants de la péninsule. Apparus dans la mouvance post punk, deux des plus importants, Discos Radioactivos Organizados (DRO) et Grabaciones Accidentales (GASA), connaissent une forte expansion dans les années 80. Conscients de l’épuisement créatif de la scène new wave dont ils sont issus, ils chercheront à élargir leur domaine d’activité, notamment à des musiques instrumentales plus sophistiquées, par goût autant que par nécessité de recruter des producteurs compétents pour enregistrer leurs disques.
Curieusement, ces labels vont marquer le retour de quelques uns des musiciens les plus aventureux de la génération précédente, celle des années 70, un temps éclipsée par le punk. Ayant transité par le folk, les musiques anciennes, traditionnelles ou contemporaines, rompus à l’improvisation et aux techniques de studio, ces artistes sont issus d’une culture hippie mutante, omnivore, capable de phagocyter de nombreux styles musicaux, de l’ambient électronique à l’improvisation ethnique en passant par le jazz modal. Leur influence majeure est sans doute celle des compositeurs minimalistes américains des années 60 (La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, Charlemagne Palestine voire Moondog) qui jouissent alors d’un grand prestige.

Fasciné par leur approche du timbre et des répétions, le compositeur et multi-instrumentiste Suso Saiz développe une œuvre défiant les catégories. Parallèlement à ses activités de producteur, il élabore à partir des années 80 des paysages sonores amples et introspectifs, évoluant dans les replis de la matière sonore la plus abstraite, grâce à un savant usage de nappes électroniques et de boucles de guitare modifiées, qu’il dénomme des « Hypnotiques ». Si la musique de l’andalou Suso Saiz est éthérée, celle du canarien Javier Segura est, dans un registre proche, tellurique. Enregistrant seul, Javier Segura développe un travail basé sur des percussions électroniques et des boucles de guitare agrémentées d’effets, volontiers saturées ou tenues sur une seule note. Ces deux artistes partagent un même art de la surimpression des couches sonores et l’idée qu’une boucle permet, en régime analogique, d’entendre sans cesse de nouveaux éléments à l’intérieur d’une séquence répétée ad libitum.

Le madrilène Luis Delgado rejoint cet intérêt pour le minimalisme dans une lignée plus dépouillée encore, proche de La Monte Young et de sa distorsion du temps, notamment dans ses travaux solo basés sur le traitement électronique en direct d’instruments acoustiques anciens. Travaillant aux studios RCA de Madrid, il développe également avec Eugenio Muñoz le projet Mecánica Popular, au sein duquel il s’attache à la manipulation de sons concrets, donnant vie à une electronica mécanique et radicale. Luis Delgado crée enfin son propre label, El cometa de Madrid, qui, supervisé par GASA, produira une vingtaine de références entre 1986 et 1992. Oeuvrant à une musique minoritaire à l’intérieur du système, El cometa de Madrid s’avère une tentative de marier les musiques anciennes, électroniques, jazz et contemporaines, à la manière de labels tels ECM ou Windham Hill. Sa production est ce qui se rapprochera le plus, en Espagne, d’un courant New Age.

Le tour d’horizon de La Ola Interior ne serait cependant pas complet sans les musiciens espagnols qui se passionnèrent et rejoignirent dans les années 80 les conceptions développées dès la fin des années 70 par Brian Eno et surtout Jon Hassell, dans une série de disques influents, autour de la notion de Fourth-World Music. Pour Hassell, la musique du « quatrième monde » est celle qui naît du retraitement par la technologie occidentale (1er monde) de traditions musicales extra-occidentales (à l’époque encore qualifié de tiers-monde). C’est la bande-son d’un monde imaginaire, réconcilié et idéal.
Crée au milieu des années 80, Finis Africae fut le projet de Juan Alberto Arteche, initialement mené avec le guitariste Javier Bergia et Luis Delgado. En quatre albums, ce groupe aujourd’hui culte jeta les bases d’une « Ethno-ambient » combinant instruments acoustiques, samples et effets électroniques, capable de brasser dans ses hybridations les sons amazoniens ou le funk tropical avec les musiques traditionnelles. Quant à l’énigmatique Jabir (aka Franciso Javier Sánchez González), personnage imprégné de culture soufie, il tenta en une poignée de disques parus à la fin des années 80 de créer une musique à la fois sacrée et profane, fusionnant programmations électroniques aléatoires et instruments classiques arabes.

Les deux scènes et générations qui composent LA OLA INTERIOR se croisent donc autour d’un intérêt commun pour les traditions musicales non occidentales et la musique des « autres mondes ». Leur exploration peut être celle des origines tribales des rythmes électroniques ou bien de l’héritage arabe de l’Espagne. A ce titre, l’exotisme peut être temporel autant que géographique. Néanmoins, leur projet reste très différent de la mission conservatrice de l’ethno-musicologie ou de l’entreprise de polissage globalisé des « musiques du monde ». Il s’agit avant tout d’un exotisme rêvé, d’un voyage immobile, car la majorité de ces musiciens n’ont pas arpenté les contrées dont ils admirent fréquemment les sonorités, la culture et la langue.

Chez les mieux formés d’entre eux, l’intérêt pour les instruments de musique africains, amazoniens ou orientaux est réel comme en témoignent les impressionnantes collections d’artefacts qui leur servent parfois à concevoir leur musique. Mais ces instruments « ethniques » sont rarement joués de façon orthodoxe ou conventionnelle puisque leur bonne pratique et connaissance est encore liée, à l’époque, à la capacité de voyager ou de connaître leurs interprètes d’origine. Pour beaucoup d’artistes de LA OLA INTERIOR, la recherche d’un ailleurs musical passe par l’emprunt d’archives sonores, captées sur les ondes radio ou samplées à partir de disques de labels d’ethno-musicologie, ceux du label français Ocora en tête.
Les sons, rythmes ou instruments de ces traditions sont donc toujours consciemment repassés au crible des pratiques occidentales, qu’elles relèvent de conceptions musicales d’avant-garde, de pratiques instrumentales personnelles ou de l’usage de la technologie électronique. Il en résulte une musique hybride, filtrée et réinventée, ni occidentale ni extra-occidentale, avec un goût prononcé pour la fusion des contraires, que nous avons dénommée Exotisme Acide en raison de sa recherche permanente de la transe ou de la contemplation.

Ces musiques cherchent au final à confronter la modernité occidentale, à créer des mondes sonores qui échappent temporairement à sa logique et ouvrent à des potentialités inouïes. Ce qui compte est le voyage ou l’expérience qu’elles procurent, ce que la musique modifie dans l’écoute et la perception de l’auditeur. Comme l’a déclaré Luis Delgado, “nous cherchions par tous les moyens à ouvrir des chemins qui n’avaient pas été empruntés, à marcher sur des routes qui n’avaient pas de repères. J’imagine qu’il est impossible de se débarrasser de l’héritage de la musique que l’on écoute depuis toujours, mais nous nous sommes efforcés d’utiliser la technologie disponible pour obtenir d’autres timbres, une autre organisation et un autre schéma pour le son”.
Atmosphériques, contemplatives et sérielles, ces musiques nous plongent aujourd’hui encore dans un voyage sensoriel, à la fois intérieur et lointain, organique et technologique, entre réminiscences exotiques et visions intérieures.
¡ Y ahora, buen viaje !
Camino al desván
A2. La contorsión de Pollo (2’56 »)
(Written by María Dolores García and Jordi Cabayol / Originally Released in Una fuente inservible, Audio Cassette, Extension S.VL. & Ortega y Cassette, Barcelona, 1984 / Extract from Camino al desván. Integral 1983-1986, Compilation CD, La Ola Expréss – LOECD025, 2018 / Courtesy of La Olla Expréss)
C6. Adjudicado a la danza (2’38 »)
D3. Fock intimida a Gordi (5’01 »)
(Written by María Dolores García and Jordi Cabayol / Originally Released in Violines y trompetas, Audio Cassette, Ortega y Cassette, Barcelona, 1983 / Extract from Camino al desván. Integral 1983-1986, Compilation CD, La Ola Expréss – LOECD025, 2018 – Courtesy of La Olla Expréss)
++++++++++
Eli Gras
D5. Flu (4’01 »)
(Written by Elisabeth Gras / 1986-87 / Extract from Museum of the Dry Bugs, Compilation Audio Cassette, Gagarin Records – GR 2038, 2019 / Courtesy of Gagarin Records
++++++++++
Esplendor Geométrico
C3. Sheikh (4’12 »)
(Written by Arturo Lanz & Gabriel Riaza / Originally Released in Mekano-Turbo, LP, Discos Esplendor Geométrico – EG-016, Madrid, 1988 / Courtesy of Geometrik Records)
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Finis Africae
A4. Hybla (5’34 »)
(Written by Juan Alberto Arteche & Javier Bergia / Originally Released in Finis Africae, LP, Música Sin-Fín & GASA – GA-038, Madrid, 1985 / Courtesy of Música Sin-Fín)
C2. Hombres Lluvia (3’48 »)
(Written by Juan Alberto Arteche / Originally Released in Amazonia, LP, Música Sin-Fín – LP-003, Madrid, 1990 / Courtesy of Música Sin-Fín)
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Jabir
B3. Vuelo por las alturas de Xauen (6’20 »)
(Written by Jabir / Originally Released in Vuelo por las alturas de Xauen, Audio Cassette, Línea Alternativa – L.A.P. 6, Madrid, 1989 / Courtesy of Discos Transgéneros & Jabir)
++++++++++
Javier Segura
B2. Malagueñas 2 (5’36 »)
(Written by Javier Segura / 1990 / Courtesy of Javier Segura & Ediciones y Producciones en Arte)
++++++++++
Luis Delgado
C5. El llanto de Nouronihar (4’47 »)
(Written by Luis Delgado / Originally Released in Vathek, LP, El Cometa de Madrid & GASA – GA-076, Madrid, 1986 / Courtesy of Emotional Rescue)
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Mecánica Popular
A3. Impresionistas 2 (0’20 »)
C1. Impresionistas 1 (0’21 »)
(Written by Eugenio Muñoz & Luis Delgado / Originally Released in ¿Qué sucede con el tiempo?, LP, DRO – DRO-060, Madrid, 1984 / Courtesy of Eugenio Muñoz & Luis Delgado)
++++++++++
Mataparda
D1. Me llena la cachimba (1’21 »)
D4. La papa suave (1’44 »)
(Written by José Mesa / Originally Released in Liferfe, Audio Cassette, Self-Released, Tenerife, 1987 / Courtesy of José Mesa)
++++++++++
Miguel A. Ruiz
A1. Transparent (4’03 »)
B4. Trivandrum (4′)
(Written by Miguel A. Ruiz / Originally Released in Climatery, Audio Cassette, Cintas Proceso Uvergraf – CPU-2, Madrid, 1986 / Courtesy of Miguel A. Ruiz)
++++++++++
Orfeón Gagarin
A5. Última instancia (4’07 »)
(Written by Miguel A. Ruiz / Originally Released in Orfeón Gagarin, Audio Cassette, Toracic Tapes – TØ1, Madrid, 1986 / Courtesy of Miguel A. Ruiz)
++++++++++
Suso Saiz
D2. Horizonte paseo (5’53”)
(Written by Suso Saiz / 1990 / Courtesy of Suso Saiz)
++++++++++
Víctor Nubla
B1. 2000 lenguas (4′)
C4. Chandernagor (2’41 »)
(Written by Víctor Nubla / Originally Released in Filmusik, Audio Cassette, EGK – EGK 021, Madrid, 1987 / Courtesy of Víctor Nubla)

Face à l’épuisement de la Movida et au reflux de la vague post punk, une nouvelle mouvance de musiques expérimentales fait son apparition en Espagne dans les années 80. Elle regroupe des créateurs ayant en commun la recherche de directions musicales alternatives au paradigme courant de la pop occidentale. Avec un intérêt affirmé pour l’électronique et les technologies d’enregistrement, ces musiciens vont œuvrer loin des sentiers battus, jetant les bases de l’expérimentation sonore du XXIe siècle. Si ces musiques participent de divers courants (électroacoustique, bruitisme, musique industrielle, collage…), cette anthologie se concentre sur l’ambient et sur ses liens avec les tonalités ethniques.

Tout au long de la décennie, des artistes espagnols s’attachèrent à la confection d’une musique ambient qui « ferait partie de l’atmosphère, de l’environnement, au même titre que la couleur de la lumière et le bruit de la pluie », comme l’écrivit l’un de ses fondateurs, Brian Eno. Née dans les années 1970, fortement connectée aux musiques minimalistes américaines, à la Kosmische Musik allemande et à la découverte des traditions musicales non-occidentales, la musique ambient est affaire de textures et de modelage des sons. Contrairement à l’écrasante majorité des musiques occidentales, il y est peu question de mélodie ou d’harmonie et elle ne requiert pas de structure narrative ni de rythme pour exister. C’est peut-être ce qui la rend si difficilement identifiable et la fait souvent passer « sous le radar ».

L’histoire espagnole de cette música discreta reste méconnue, même si de prestigieux labels se sont récemment intéressés à certaines de ses figures marquantes, telles Luis Delgado ou Suso Saiz. En règle générale, le tropisme anglo-saxon a assimilé la musique ambient de la péninsule ibérique au Balearic Sound, c’est-à-dire au style de musique relaxante joué dans les discothèques d’Ibiza, particulièrement prisées des citoyens du nord de l’Europe. Or, si l’ambient peut partager avec les productions lounge ou chill out une certaine condition d’écoute – « on doit pouvoir l’ignorer autant que s’y intéresser » selon Eno – elle les déborde largement par la diversité de ses approches et la radicalité de ses propositions.
En remontant à ses années d’émergence, LA OLA INTERIOR a pour ambition de resituer l’ambient espagnole dans le territoire fertile des musiques expérimentales et, en particulier, dans ses deux principaux viviers : l’underground des cassettes et la scène des musiciens-producteurs indépendants.

Cette nouvelle vague de musiques expérimentales est indissociable des processus d’auto-édition, de distribution et d’échanges de musique, principalement au format cassette, qui se mettent alors en place en Espagne de façon artisanale, comme un effluve de l’esprit DIY du punk. La démocratisation des instruments électroniques et des reproducteurs de cassettes va en effet permettre à un vaste mouvement underground de s’organiser en l’espace de quelques années. Dès le début de la décennie, les micro-labels se multiplient aux quatre coins du pays: EGK, Investigaciones, Estudios y Proyectos (IEP), Proceso Uvergraf ou Toracic Tapes à Madrid, Laboratorio de Música Desconocida (LMD) ou Ortega y Cassette à Barcelone, Laboratorios No à Grenade, Necronomicon à Puertollano, etc. A l’époque, il est fréquent qu’un (non)musicien dispose de son propre label, non seulement pour éditer sa musique mais également celle d’autres (non)musiciens et la faire voyager grâce aux liens tissés avec d’autres collectifs.

Hyperactive, la scène espagnole des cassettes présente plusieurs caractéristiques. Une bonne part de ses travaux sont des productions individuelles, souvent dissimulées sous l’apparence de groupes, l’œuvre de personnalités travaillant seules et avec des moyens restreints. Cette condition favorise l’inventivité et une utilisation personnelle des machines, généralement bricolées, selon des logiques de collage sonore ou de traitement du son issues de la musique concrète. L’utilisation de pseudonymes, de même que la multiplication des collaborations, y est fréquente, contribuant à l’effacement de la notion d’auteur et permettant l’exploration simultanée chez un même artiste de plusieurs voies créatives.

La philosophie de l’underground espagnol est par ailleurs radicale, opposée à la culture dominante. Cette virulence s’exprime en premier lieu dans le graphisme souvent provocateur des pochettes et des gadgets accompagnant les cassettes où se multiplient les détournements dadaïstes, les photographies de sites industriels à l’abandon, de malformations physiques ou de cadavres. Une esthétique qui doit autant au livre-objet et à l’art postal cher à Fluxus qu’à la photocopieuse et au fanzinat punk. Comme ailleurs en Europe, l’underground est fortement dominé dans la péninsule par les styles musicaux les plus durs, tels le bruitisme et la musique industrielle. Surabondante, cette production peut s’avérer répétitive, mais sa dimension exploratoire est si viscéralement affirmée que nombre d’expériences atypiques y verront également le jour.
Quoique de façon minoritaire, certains musiciens de l’underground vont donc cultiver des styles plus idiosyncrasiques et hybrides, s’éloignant de la norme “indus”. Soulignons l’influence persistante exercée sur eux par la Kosmische Musik allemande des années 70. L’expérimentation très poussée sur l’instrumentarium électronique de ce que l’on appelle alors en Espagne “l’Ecole Berlinoise” (Conrad Schnitzler, Dieter Moebius, Popol Vuh, Tangerine Dream) sert alors de référence absolue en matière de sculpture des ondes et de révélation du spectre sonore. Suivant également le chemin montré par des formations plus “krautrock”, les artistes de la scène underground ibérique vont par ailleurs s’intéresser à ce que l’on ne nomme pas encore les “musiques du monde”, s’efforçant d’en intégrer parfois l’influence à leur production.

Plusieurs projets présents sur LA OLA INTERIOR témoignent de la naissance d’une mouvance électronique basée sur la polyrythmie, la spatialisation des sons et le réemploi de sonorités orientales. C’est le cas des madrilènes d’Esplendor Geométrico pour qui un séjour prolongé dans l’enclave africaine de Melilla ouvrira une parenthèse créative faite d’impressionnantes expériences soniques, juxtaposant beats industriels et rythmiques arabes. Avec cette « Ethno-transe », qui rappelle les expériences contemporaines de Muslimgauze ou de 23 Skidoo, Esplendor Geométrico semble avoir trouvé le parfait équilibre entre violence sonore et exploration plus subtile de paysages. Autre pilier madrilène de la scène électronique expérimentale, Miguel A. Ruiz posera les bases, sous son propre nom et celui d’Orfeón Gagarin, d’une musique mystérieuse, parfois qualifiée « d’ambient industrielle tropicale », alliant boucles électroniques, percussions ethniques et drones lancinants.
Toutefois, l’hétérodoxie musicale de ces années n’est pas circonscrite à la capitale espagnole et surgit aussi dans d’autres territoires comme, par exemple, les îles Canaries. Basé à Tenerife, Mataparda (aka José Mesa) auto-produit dans les années 80 une série de cassettes extrêment inventives. Créateur atypique, dans la lignée d’un Robert Wyatt ou d’un Pascal Comelade, Mataparda excelle dans la miniature; il est ainsi capable de produire des chansons naïves aussi bien que des déflagrations bruitistes ou de subtiles micro-paysages sonores, bercés d’influences africaines ou caribéennes. Mais c’est surtout à Barcelone, qui dispose d’une tradition artistique d’avant-garde solidement implantée, que l’underground électronique va s’avérer le plus original. Artisanale et perméable aux influences européennes, la scène catalane abrite dans les années 80 de nombreux créateurs inclassables.

Producteur, musicien et agitateur culturel, Victor Nubla est sans conteste l’une des figures les plus marquantes de cette ciudad secreta, pré-olympique et expérimentale, comme l’a désignée le critique Jaime Gonzalo. Fondateur du groupe Macromassa en 1976, Nubla développe dans les années 80 une méthode consistant dans le prélèvement aléatoire de sons radiophoniques retravaillés à l’aide d’un sampleur et d’un séquenceur, qu’il baptise Método de Composición Objetiva (MCO). Le résultat de ces remixes sauvages est une musique répétitive, versatile et ténue, aux effluves tour à tour cinématiques, ethniques ou spatiaux. Autre fleuron barcelonais, Camino al desván, duo crée en 1983 par Lole Garcia et Jordi Cabayol, marie sons électroniques et instruments traditionnels au service d’une musique spectrale, dense et minimale. Dérives électroacoustiques, structures répétitives et résonnances médiévales se côtoient librement dans leur musique.

Au tournant des années 90, la généralisation des logiciels de création sonore, l’apparition du CD et l’arrivée d’Internet réduiront sensiblement l’activité de la scène espagnole des cassettes. Mais son esprit restera toujours vivant, d’une manière ou d’une autre. Soit parce que certains artistes comme Miguel A. Ruiz ou Esplendor Geométrico seront parvenus à prolonger leur activité jusqu’à aujourd’hui. Soit parce qu’une certaine forme de relève sera apparue. L’artiste barcelonaise Eli Gras peut être considérée comme une héritière directe de l’approche artisanale de l’underground, tant à travers son oeuvre personnelle – mélange d’ambient, d’avant-pop, d’improvisation et de lutherie expérimentale -, qu’à travers le travail de réédition de musiques introuvables mené par son label, La Olla Expréss.
La deuxième veine de l’ambient espagnole est à rechercher, non pas dans l’univers underground des cassettes auto-produites, mais dans les productions plus riches de certains labels indépendants de la péninsule. Apparus dans la mouvance post punk, deux des plus importants, Discos Radioactivos Organizados (DRO) et Grabaciones Accidentales (GASA), connaissent une forte expansion dans les années 80. Conscients de l’épuisement créatif de la scène new wave dont ils sont issus, ils chercheront à élargir leur domaine d’activité, notamment à des musiques instrumentales plus sophistiquées, par goût autant que par nécessité de recruter des producteurs compétents pour enregistrer leurs disques.
Curieusement, ces labels vont marquer le retour de quelques uns des musiciens les plus aventureux de la génération précédente, celle des années 70, un temps éclipsée par le punk. Ayant transité par le folk, les musiques anciennes, traditionnelles ou contemporaines, rompus à l’improvisation et aux techniques de studio, ces artistes sont issus d’une culture hippie mutante, omnivore, capable de phagocyter de nombreux styles musicaux, de l’ambient électronique à l’improvisation ethnique en passant par le jazz modal. Leur influence majeure est sans doute celle des compositeurs minimalistes américains des années 60 (La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, Charlemagne Palestine voire Moondog) qui jouissent alors d’un grand prestige.

Fasciné par leur approche du timbre et des répétions, le compositeur et multi-instrumentiste Suso Saiz développe une œuvre défiant les catégories. Parallèlement à ses activités de producteur, il élabore à partir des années 80 des paysages sonores amples et introspectifs, évoluant dans les replis de la matière sonore la plus abstraite, grâce à un savant usage de nappes électroniques et de boucles de guitare modifiées, qu’il dénomme des « Hypnotiques ». Si la musique de l’andalou Suso Saiz est éthérée, celle du canarien Javier Segura est, dans un registre proche, tellurique. Enregistrant seul, Javier Segura développe un travail basé sur des percussions électroniques et des boucles de guitare agrémentées d’effets, volontiers saturées ou tenues sur une seule note. Ces deux artistes partagent un même art de la surimpression des couches sonores et l’idée qu’une boucle permet, en régime analogique, d’entendre sans cesse de nouveaux éléments à l’intérieur d’une séquence répétée ad libitum.

Le madrilène Luis Delgado rejoint cet intérêt pour le minimalisme dans une lignée plus dépouillée encore, proche de La Monte Young et de sa distorsion du temps, notamment dans ses travaux solo basés sur le traitement électronique en direct d’instruments acoustiques anciens. Travaillant aux studios RCA de Madrid, il développe également avec Eugenio Muñoz le projet Mecánica Popular, au sein duquel il s’attache à la manipulation de sons concrets, donnant vie à une electronica mécanique et radicale. Luis Delgado crée enfin son propre label, El cometa de Madrid, qui, supervisé par GASA, produira une vingtaine de références entre 1986 et 1992. Oeuvrant à une musique minoritaire à l’intérieur du système, El cometa de Madrid s’avère une tentative de marier les musiques anciennes, électroniques, jazz et contemporaines, à la manière de labels tels ECM ou Windham Hill. Sa production est ce qui se rapprochera le plus, en Espagne, d’un courant New Age.

Le tour d’horizon de La Ola Interior ne serait cependant pas complet sans les musiciens espagnols qui se passionnèrent et rejoignirent dans les années 80 les conceptions développées dès la fin des années 70 par Brian Eno et surtout Jon Hassell, dans une série de disques influents, autour de la notion de Fourth-World Music. Pour Hassell, la musique du « quatrième monde » est celle qui naît du retraitement par la technologie occidentale (1er monde) de traditions musicales extra-occidentales (à l’époque encore qualifié de tiers-monde). C’est la bande-son d’un monde imaginaire, réconcilié et idéal.
Crée au milieu des années 80, Finis Africae fut le projet de Juan Alberto Arteche, initialement mené avec le guitariste Javier Bergia et Luis Delgado. En quatre albums, ce groupe aujourd’hui culte jeta les bases d’une « Ethno-ambient » combinant instruments acoustiques, samples et effets électroniques, capable de brasser dans ses hybridations les sons amazoniens ou le funk tropical avec les musiques traditionnelles. Quant à l’énigmatique Jabir (aka Franciso Javier Sánchez González), personnage imprégné de culture soufie, il tenta en une poignée de disques parus à la fin des années 80 de créer une musique à la fois sacrée et profane, fusionnant programmations électroniques aléatoires et instruments classiques arabes.

Les deux scènes et générations qui composent LA OLA INTERIOR se croisent donc autour d’un intérêt commun pour les traditions musicales non occidentales et la musique des « autres mondes ». Leur exploration peut être celle des origines tribales des rythmes électroniques ou bien de l’héritage arabe de l’Espagne. A ce titre, l’exotisme peut être temporel autant que géographique. Néanmoins, leur projet reste très différent de la mission conservatrice de l’ethno-musicologie ou de l’entreprise de polissage globalisé des « musiques du monde ». Il s’agit avant tout d’un exotisme rêvé, d’un voyage immobile, car la majorité de ces musiciens n’ont pas arpenté les contrées dont ils admirent fréquemment les sonorités, la culture et la langue.

Chez les mieux formés d’entre eux, l’intérêt pour les instruments de musique africains, amazoniens ou orientaux est réel comme en témoignent les impressionnantes collections d’artefacts qui leur servent parfois à concevoir leur musique. Mais ces instruments « ethniques » sont rarement joués de façon orthodoxe ou conventionnelle puisque leur bonne pratique et connaissance est encore liée, à l’époque, à la capacité de voyager ou de connaître leurs interprètes d’origine. Pour beaucoup d’artistes de LA OLA INTERIOR, la recherche d’un ailleurs musical passe par l’emprunt d’archives sonores, captées sur les ondes radio ou samplées à partir de disques de labels d’ethno-musicologie, ceux du label français Ocora en tête.
Les sons, rythmes ou instruments de ces traditions sont donc toujours consciemment repassés au crible des pratiques occidentales, qu’elles relèvent de conceptions musicales d’avant-garde, de pratiques instrumentales personnelles ou de l’usage de la technologie électronique. Il en résulte une musique hybride, filtrée et réinventée, ni occidentale ni extra-occidentale, avec un goût prononcé pour la fusion des contraires, que nous avons dénommée Exotisme Acide en raison de sa recherche permanente de la transe ou de la contemplation.

Ces musiques cherchent au final à confronter la modernité occidentale, à créer des mondes sonores qui échappent temporairement à sa logique et ouvrent à des potentialités inouïes. Ce qui compte est le voyage ou l’expérience qu’elles procurent, ce que la musique modifie dans l’écoute et la perception de l’auditeur. Comme l’a déclaré Luis Delgado, “nous cherchions par tous les moyens à ouvrir des chemins qui n’avaient pas été empruntés, à marcher sur des routes qui n’avaient pas de repères. J’imagine qu’il est impossible de se débarrasser de l’héritage de la musique que l’on écoute depuis toujours, mais nous nous sommes efforcés d’utiliser la technologie disponible pour obtenir d’autres timbres, une autre organisation et un autre schéma pour le son”.
Atmosphériques, contemplatives et sérielles, ces musiques nous plongent aujourd’hui encore dans un voyage sensoriel, à la fois intérieur et lointain, organique et technologique, entre réminiscences exotiques et visions intérieures.
¡ Y ahora, buen viaje !
Camino al desván
A2. La contorsión de Pollo (2’56 »)
(Written by María Dolores García and Jordi Cabayol / Originally Released in Una fuente inservible, Audio Cassette, Extension S.VL. & Ortega y Cassette, Barcelona, 1984 / Extract from Camino al desván. Integral 1983-1986, Compilation CD, La Ola Expréss – LOECD025, 2018 / Courtesy of La Olla Expréss)
C6. Adjudicado a la danza (2’38 »)
D3. Fock intimida a Gordi (5’01 »)
(Written by María Dolores García and Jordi Cabayol / Originally Released in Violines y trompetas, Audio Cassette, Ortega y Cassette, Barcelona, 1983 / Extract from Camino al desván. Integral 1983-1986, Compilation CD, La Ola Expréss – LOECD025, 2018 – Courtesy of La Olla Expréss)
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Eli Gras
D5. Flu (4’01 »)
(Written by Elisabeth Gras / 1986-87 / Extract from Museum of the Dry Bugs, Compilation Audio Cassette, Gagarin Records – GR 2038, 2019 / Courtesy of Gagarin Records
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Esplendor Geométrico
C3. Sheikh (4’12 »)
(Written by Arturo Lanz & Gabriel Riaza / Originally Released in Mekano-Turbo, LP, Discos Esplendor Geométrico – EG-016, Madrid, 1988 / Courtesy of Geometrik Records)
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Finis Africae
A4. Hybla (5’34 »)
(Written by Juan Alberto Arteche & Javier Bergia / Originally Released in Finis Africae, LP, Música Sin-Fín & GASA – GA-038, Madrid, 1985 / Courtesy of Música Sin-Fín)
C2. Hombres Lluvia (3’48 »)
(Written by Juan Alberto Arteche / Originally Released in Amazonia, LP, Música Sin-Fín – LP-003, Madrid, 1990 / Courtesy of Música Sin-Fín)
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Jabir
B3. Vuelo por las alturas de Xauen (6’20 »)
(Written by Jabir / Originally Released in Vuelo por las alturas de Xauen, Audio Cassette, Línea Alternativa – L.A.P. 6, Madrid, 1989 / Courtesy of Discos Transgéneros & Jabir)
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Javier Segura
B2. Malagueñas 2 (5’36 »)
(Written by Javier Segura / 1990 / Courtesy of Javier Segura & Ediciones y Producciones en Arte)
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Luis Delgado
C5. El llanto de Nouronihar (4’47 »)
(Written by Luis Delgado / Originally Released in Vathek, LP, El Cometa de Madrid & GASA – GA-076, Madrid, 1986 / Courtesy of Emotional Rescue)
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Mecánica Popular
A3. Impresionistas 2 (0’20 »)
C1. Impresionistas 1 (0’21 »)
(Written by Eugenio Muñoz & Luis Delgado / Originally Released in ¿Qué sucede con el tiempo?, LP, DRO – DRO-060, Madrid, 1984 / Courtesy of Eugenio Muñoz & Luis Delgado)
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Mataparda
D1. Me llena la cachimba (1’21 »)
D4. La papa suave (1’44 »)
(Written by José Mesa / Originally Released in Liferfe, Audio Cassette, Self-Released, Tenerife, 1987 / Courtesy of José Mesa)
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Miguel A. Ruiz
A1. Transparent (4’03 »)
B4. Trivandrum (4′)
(Written by Miguel A. Ruiz / Originally Released in Climatery, Audio Cassette, Cintas Proceso Uvergraf – CPU-2, Madrid, 1986 / Courtesy of Miguel A. Ruiz)
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Orfeón Gagarin
A5. Última instancia (4’07 »)
(Written by Miguel A. Ruiz / Originally Released in Orfeón Gagarin, Audio Cassette, Toracic Tapes – TØ1, Madrid, 1986 / Courtesy of Miguel A. Ruiz)
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Suso Saiz
D2. Horizonte paseo (5’53”)
(Written by Suso Saiz / 1990 / Courtesy of Suso Saiz)
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Víctor Nubla
B1. 2000 lenguas (4′)
C4. Chandernagor (2’41 »)
(Written by Víctor Nubla / Originally Released in Filmusik, Audio Cassette, EGK – EGK 021, Madrid, 1987 / Courtesy of Víctor Nubla)